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Marrackech express, ou jane Eyre à travers moi...
29 mai 2006

Chapitre 4 La fuite - Iaüle, réveille toi ! -

Chapitre 4

La fuite

-    Iaüle, réveille toi !

-    Mamie ?

-    Non. C’est Simanson.

Simanson, le bateau  le pentogrim… Non c’est bien réel !

-    Tu es prête ? L’heure est arrivée.

-    Non, ne me dis pas que t’as rien trouvé d’autre ?

-    Crois moi, c’est une excellente idée !

-    J’en suis convaincue mais…

-    Si tu n’es pas satisfaite, tu peux toujours rester ici et te faire dévorer à ma place…

-    Bon d’accord, je capitule.

Iaüle, ma vieille, je crois pas que tu puisses tomber plus bas un jour... Et me voici donc en train de m’enduire de crotte de pentogrim. Pourquoi ai-je accepté et n’ai pas chercher un autre moyen ? Sûrement parce que c’est le seul... La colle puante rend les choses transparentes : je ne l’avais pas remarqué. (Simanson bien sûr que si : je ne suis qu’une bêtasse !) Son plan est de nous en recouvrir, d’attendre qu’un des gardiens vienne le chercher, de coincer la porte pour qu’elle reste ouverte, et de partir en courant. Ce qui a l'air très simple en apparence, devient plus compliquer quand on s’aperçoit que la matière de la colle n’adhère pas à celle de la plupart de mes vêtements. Je suis maintenant en sous-vêtements. (Dans mon malheur, j’ai la chance qu’ils soient en coton sa imbibe très bien. Mais quand même !) Simanson, lui, a gardé tous ses habits, si on peu appeler ainsi la loque qui lui sert de chemise et la serpillière en guise de pantalon.

La porte s'ouvre. Nous voilà l’un à coté de l’autre en bas de l’escalier. Mon dieu, ce que cet homme pue. J’espère qu’il va pas découvrir mes vêtements. Mais non, imbécile ! Ils sont tellement bien cachés que même toi, t’arriverais plus à les trouver.

-    Crapule ! Où te caches-tu ?

Aller, descend ! Qu’est-ce que t’attends ? Il faudrait que quelque chose fasse un bruit pour qu’il descende. Le lézard.

-    C’est quoi ce bruit, gamin ? M’oblige pas à venir te chercher !

C’est le lézard, j’en suis sûre. Le hasard fait bien les choses… Plus l’homme se rapproche, plus ça pue, plus je suis pétrifiée.

-    J’arrive ! Je vais te mettre la raclée de ta vie !

On y va, imperceptible son et me voilà en train de monter les même marches que la veille avec plus de trouille et encore plus envie de pisser. La porte est ouverte : on a beaucoup trop de chance, il va nous arriver quelque chose ! La dernière marche, j’y crois pas : on a réussi !

L’air du dehors me fait mal aux poumons. Sitôt sortis, Simanson a refermé la porte au nez du marchand qui n'a rien compris. Ca fait du bien de sentir le vent sur mon visage. Mais je suis à moitié nue et j’ai trop froid. Je n’ai toujours pas lâché la main de Simanson car sans lui je ne trouverai pas la sortie. Personne ne peut le voir, même pas moi et inversement. Nous sommes totalement translucides. Il fait nuit noire mais des lumières brillent autour du bateau arrêté. Ca y est : nous partons. La main de Simanson est immense et broie la mienne : c'est le prix de la liberté. Les remous des vagues contre le bois du bateau, rien que ça, ça me donne envie de vomir. Mais si je parle, les pirates vont se demander si leur navire n’est pas habité par une créature et se mettront en chasse. Même s'ils n’ont que très peu de chance de me trouver, je ne préfère pas me faire remarquer. Simanson nous fait faire tout le tour du bateau. Il veut me faire visiter ou quoi ? C’est vraiment pas le moment…

-    Aïe…

-    Fais moins de bruit !

-    Mais pourquoi t’a pilé comme ça ?

-    Tais-toi : quelqu’un arrive.

Nous sommes maintenant contre un mur de bois plein d’échardes me lardant le dos. Il faut faire attention de ne pas trop s’y accoler pour ne pas que notre camouflage s’en aille faire une promenade dessus. Je sens déjà que par endroit ça a séché et que ça se craquelle. Les hommes s’éloignent. Il tire sur ma main, on recommence à marcher. J’entends seulement sa respiration. La mienne s’arrête toutes les cinq minutes et je fais un effort surhumain pour ne pas éternuer et par extension… Enfin bon, je me retiens quoi !

La lune éclaire vivement la mer maintenant, et l’avant de la galère commence à se dessiner plus nettement. Nous avons rencontré peu d’hommes : tous doivent être à terre, fêtant leur arrivée. La chance nous sourit vraiment trop. Je vois un trou dans la coque. C’est une porte. La porte de sortie ! Bientôt nous serrons loin d’ici et de tous ces fous…Iaüle tu as encore parlé trop tôt. Et comme on dirait dans les livres : un énorme chien leur barra la porte...

"Enorme" est un bien piètre mot. "Monstrueux et aux crocs acérés" serait plus approprié pour ce genre de situation. Un chien pas du tout sympathique, tenant plus du loup que du chiwawa, nous fixe sans nous voir. Il grogne, renifle, regrogne, et rerenifle.

-    Kajé, c’est moi. C’est Simanson !

-    Mais t’es totalement inconscient ! Tu comptes faire ami-ami avec cette chose ?

-    Tais-toi ! Il me connaît, il ne nous fera rien.

-    Mon œil ! Déjà qu’à cause de toi je suis à poil et puante sur le fronton d’une galère antique, tu veux en plus que je te crois quant à une possible amitié naissante avec un monstre ! Ok ne me regarde pas comme ça ! De toute façon je me trouve bien plus à gauche... Je me range à ton avis ! Vas-y discute…

-    Oui bon…

-    T’occupe plus de moi, je te dis.

-    Kajé, bon chien, viens c’est moi ! Non, je suis là.

J’y crois pas ! Le molosse remue son énorme touffe de poils qui doit être sa queue et se jette sur Simanson en l’inondant de bave !

-    Moins de bruit Kajé : tu vas nous faire repérer. Je suis avec une amie nous allons sortir du bateau…

-    Tu crois vraiment qu’il te comprend ?

-    Iaüle !

-    Je me tais, je sais !

N’empêche qu’il est totalement suicidaire…

-    Bon, nous allons descendre et tu nous couvriras. Tu as compris ? Non n’abois pas : ça risquerait de nous faire repérer. Viens Iaüle, cachons nous dans son pelage : notre ruse sera bientôt découverte…

Je suis folle ! Oui c’est ça, tarée. Mais c’est soit ça, soit me faire décapiter. Aucune réflexion : tu pourrais le regretter. Comment et pourquoi suis-je embarquée dans cette galère ?  Mystère et boule de gomme. Y a vraiment des gens qui ont pas de chance.  A croire que j’en fais partie (ce qui, notons-le, est contredit par le fait que Simanson et moi venons d'échapper à une mort horrible et certaine !).

Le pelage de cet animal est extrêmement irritant en plus de mon bain de crotte. Je dois être réellement horrible à voir. Dire que tout à l’heure je me plaignais d’avoir de la poussière sur la figure ! Maigre consolation : nous venons de quitter définitivement la galère (excusez ma lourdeur mais…) dans les deux sens du terme. Il faudrait que j’arrête de me faire des notes à moi même qui ne servent à rien mais c’est plus fort que moi : il faut bien que je communique avec quelqu’un. Maintenant il y aurait certes Simanson… Mais question discussion, à part les trucs féeriques et tout le tintouin, il n’y a pas grand chose. Ne te déclare pas vaincue trop tôt : un sursaut d’intelligence n’est pas à exclure (je me marre…).

Ce que j’ai mal aux pieds quand même ! Pourquoi j’ai pas plus insisté pour prendre mes chaussures ? Lui aussi a du abandonner les siennes. Oui, mais lui il est pas en soutif et culotte dans le froid. Ca caille vraiment dans ce foutu pays. Iaüle, ma vieille, tu as déjà oublier ta phrase culte « il faut positiver ». J’en ai marre y a pas de quoi positiver. Bon j’arrête de me plaindre vous m’entendrez plus c’est juré. De toute façon je ne vous manquerai pas. Eh ! Mais pourquoi je devrais arrêter de penser ? Déjà que je peux pas parler, non je ne vous ferais pas se plaisir ! Il faut apprendre à me supporter. Le silence ça se mérite.

-    Quand est ce qu’on s’arrête ? J’ai faim et je me pelle… T’as de l’argent ?

-    De quoi ?

-    Ben, une monnaie d’échange ! Tu sais des morceaux de papiers appelés bill…

-    Ben non ! Tu veux que je le tire d’où ?

-    Alors on ne mange pas ?

-    Je te rappelle que je ne suis qu’un pauvre matelot et que je ne suis pas sensé posséder les richesses de Forgatte ! De toute manière, on ne paie pas avec du papier.

-    Les richesses de qui ?

-    Rien, c’est pas grave.

-    Où on va passer la fin de la nuit ? Et j’aimerais tout de même te signaler que mon sens du ridicule, quoique très ouvert, succomberait à l’exposition de mon corps déshabillé devant tant de regards.

-    Je sais pas comment régler ton problème mais pour le moment tu es invisible alors souffre en silence pendant que je réfléchie.

-    C’est ça, réfléchis au moins…

-    Iaüle excuse moi, mais tais toi !

Insupportable, c’est tout bonnement le qualificatif que j’emploierai si je devais lui lancer des injures à la figure. Pourquoi je ne le fais pas ? Par intérêt bien sûr : il m'est trop précieux, sans lui je risquerais de faire des bourdes encore plus monumentales que celles que je n’ai pas arrêter de commettre depuis le jour fatal de ma naissance… Le monde a été, ce jour-là, une fois de plus défigurer par une erreur de la nature. Non, je n’exagère pas tant que ça ! Bon aller, pense à autre chose. Tiens, admire un peu le paysage, ça te détendra, si on peut appelé les enfilades de maisons un paysage... La ville doit s'étendre sur des kilomètres. Les rues de ce quartier sont étroites et fuient vers un point culminant : un château sur une colline, comme dans les films épiques. Je n’arrive pas à situer l’époque ressemblant à celle-ci dans mon monde d’origine.

-    Comment appelez-vous votre monde ?

-    Le monde d’Eluant.

-    Etrange nom pour une planète…

-    Et vous ?

-    La Terre.

Nous venons de quitter la ville. Plus loin dans la nuit j’aperçois une forme noire et étendue. Peut-être une forêt. Je suis tellement fatiguée que, de toute manière, où que l’on dorme, je dormirais.

-    Voila la forêt du détroit de Guire. Nous allons nous arrêter là. La nuit est fraîche mais Kajé nous tiendra chaud. Quant à l’argent… Iaüle ? Oh, tu dors ?

Cause toujours, je suis trop éreintée pour te répondre.

-    Ah, toutes les mêmes ! En plus je parle tous seul moi.

En fin de compte, les poils du monstre sont plutôt pas mal

Journal de Clella : 1er Yan de Doris, 2ème Herralan de Kolan.

Je sens que quelque chose va se passer. Je ne sais pas quoi. Aujourd’hui, j’ai lu dans le ciel un grand bouleversement. J’ai peur : cela présage peut-être une guerre, ou bien pire... La sœur Glella prie tout le jour. Elle pense comme moi.

La descendante  sera bientôt de retour. Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose. Nous l’avons tant attendue. Ainsi la paix reviendrait, le chaos serait anéanti. Les dieux pourraient reprendre leurs rôles protecteurs. Les terres bafouées par ces hommes sans scrupule seraient de nouveau saintes. Il ne serait plus besoin de prier pour ne pas mourir sous le joug d’êtres sanguinaires. Tels les monstres des Combles, ils sèment le chaos dans les terres du Kimoliun. Ils sont sous les ordres de Schoralvor VIII. Comment un tel homme a-t-il pu obtenir tant de richesses, corrompre tant de gens et n’être jamais puni ? Les hommes aiment trop la richesse pour la condamner…

Je suis fatiguée. Les cours sont de plus en plus lourd. La Séfarade est réellement insupportable. Si elle continue à me traiter ainsi, je quitte le prieuré ! Comme les enfants. D’ailleurs, depuis cette nuit d’été il y a deux ans, de plus en plus de garçons téméraires veulent suivre la trace de cet évadé, qui fut assez intelligent pour pouvoir s’échapper sans aucun mal de cette forteresse. Moi aussi, en quelque sorte, je l’admire. Depuis ce temps la Séfarade est encore plus cruelle. A la fin de l’apprentissage, le premier jour, du Yan je partirai.

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