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Marrackech express, ou jane Eyre à travers moi...
29 mai 2006

Chapitre 2 Une Rue absente Mercredi. Journée de

Chapitre 2

Une Rue absente

Mercredi. Journée de grâce : matinée et de télé à gogo.

La chance me sourit. Si cette rue n’existe pas, je peux pas aller chez la vieille. Conclusion : je vais pouvoir me gaver de fast-télé. Une petite expression que j’ai inventée pour désigner ma boulimie télévisuelle. En général le matin, mamie est sur le marché, papy à la pêche et Iaüle devant la télé en pyjama avec les tartines. Vous aurez sûrement remarqué que la télé tient une grande place dans ma vie. Ben quoi, ça éveille le sens critique. Bon, je n’ai pas établi une argumentation très fondée sur la question, toujours est-il que, grâce à elle, je ne m’ennuie pas.

Les dessins animés pour les petits. Il n’y a pas écrit d’âge limite de consommation dans les génériques. Mon préféré commence. Eh, c’est quoi ce bruit ? Qui vient me dérangé au beau milieu du générique de Draculitot. Ok, c'est pas une super référence mais c’est marrant. J’ai que 16 ans ! Judas. Oh mince, la vieille ! Elle est du genre colle-roche. J’ouvre, j’ouvre pas (là est la question !). J’ouvre, je suis vraiment trop gentille.

-    B’jour !

-    Bonjour Iaüle. Je suis allée sur le marché ce matin, et j’ai pensé que ça te ferait sûrement plaisir de venir déjeuner chez moi avant le travail.

Pas du tout !

-    Euh, ouais !

Ce que je suis gentille !

-    Bon, et bien je t’attends le temps que tu te prépares.

Ambiance tendue. Ne joue pas les élastiques, ne fait rien pour la détendre. Elle va se croire en terrain conquis

-    Entrez, j‘arrive.

Laissez moi me mettre des claques ! Quatrième vitesse dans la chambre. Vieilles fringues. Salle de bain. Eteignage de télé (ça veut rien dire mais c’est dans l’action). Voilà comment être prête en une minute, montre en main, pour partir à l’abattoir.

Il a neigé. C’est difficile d’avancer rapidement, mais la vieille marche vite. On dirait quel est montée sur ressort : elle ne marche pas, en fait elle sautille. Je ne sais toujours pas où se situe la rue de la Bonne Fortune. Je déteste l’inconnu ! Je déteste déjà cette rue et tout ce qui va avec. Qu’est ce que je vais bien pouvoir faire pour me tirer de là ? Ca ne sert à rien de compter sur mes grands-parents : ils sont tout à fait d’accord. "C’est un bonne idée,  tu vas pouvoir te bouger un peu au lieu d’être assise devant la télé." Tu parles d’une idée ! Aller trier des vieux bouquins pleins de poussière un mercredi, alors que c’est le jour de tous mes programmes préférés (Je l’ai déjà dit ça, non ? C’est bien ce que je pensais : je devient sénile). Il faut positiver, comme dit toujours l’oncle de Jacky Chan (il est vraiment très marrant ce dessin animé). Bon, je ne voudrais pas avoir l'air de me plaindre tout le temps, mais quand est-ce qu’on arrive ? J’ai même pas eu le temps de finir mon petit déj’, qu’elle me propose déjà d’aller déjeuner ! Oui, il y a quand même une nuance de quelques heures entre les deux actions. En fait je sais pas l’heure qu’il est, mais à mon avis on approche à peine de midi. Ce sera un déjeuné de midi très matinal pour un mercredi. Je déteste les gens qui mangent toujours à la bonne heure même quand ils ne travaillent pas, je vais me détester pour le restant de ma vie. Bon, un point positif : au moins je n’aurais plus faim.

-    Nous sommes arrivées !

Quoi ? C’est là qu'elle habite ? Je m'attendais à un truc miteux, genre vieille maison british. Elle habite un palace, la vieille !

-    C’est vraiment très grand ici.

-    Mon mari était ingénieur de la marine française.

Eh ben, pourquoi elle s’est pas payé un larbin mieux qualifier que moi pour son boulot ?

-    Moi, j’étais écrivain.

-    Et vous n’écrivez plus ?

-    Je suis bien trop vieille maintenant, je laisse la place aux jeunes. Je porte mes commissions à la cuisinière et je te fais visiter, si tu le souhaites.

Bien sûr que je le souhaites ! Haussement d'épaules.

-    Très bien. A tout de suite, alors.

Toute seule. Elle m'a laissée toute seule ! Je sais pas quand elle revient et où je dois aller en attendant.

-    Mademoiselle, madame veut que vous visitiez la maison en ma compagnie.

J’ai cru mourir ! On dirait un croque-mort avec des yeux globuleux et vitreux, la peau flasque et un peu verdâtre.

Mais qui l'a déterré ?

Ca fait une heure que je suis rentrée dans cette baraque, et ce que j’ai vu était très neuf ou paraissait neuf et bien entretenu : les petites fleurs dans les petits pots qui vont bien. Et pas un air vieillot (à part le majordome qui est en fait super sympa et qui s’appelle Albert-Saturnin. Il travaille ici depuis trente-deux ans : j’ai pas osé lui dire qu’il fallait peut-être ajouter soixante-dix ans à cette date tellement il paraissait décharné, mais je suis trop gentille).

Le repas c’est bien passé et c'était pas trop mauvais : poulet rôti et patate à l’eau. Maintenant je suis dans ce grenier à trier des vieux bouquins poussiéreux. Je m’intoxique les poumons mais tout le monde s’en contre fou. De toute manière, ma vie n’est pas bien importante, comparée à tous les malheurs du monde. Sauf peut-être la mort du cochon d’inde de Loana : tous les journaux en ont parlé, pauvre petite bête bien engraissée. Tout ces livres ont au moins trois siècles, ce ne sont plus des livres mais des pelures. Parfois on ne voit même plus les titres. J’adore les livres mais quand les pages sont blanches et qu’on n'arrive pas à les tourner sans avoir peur qu’il ne tombe en poussière. « Tu es née poussière et tu redeviendras poussière ». Entre les deux, tu es de la poussière colmatée avec de l’eau. C’est bien gai tout ça, mais comment je m’y prends pour classer ces bouquins. Par auteurs ce sera peut-être plus facile. Bon A. Conan Doyle. Dans les C ou les D ? Les D. Bon voilà qui m’avance bien, y a au moins une bonne douzaine de centaines de livres. Positivons, il faut toujours positiver.

Voyons la situation du bon coté : mais y a pas de bon coté ! Iaüle reprends-toi voyons ! Tu vas gagner de l’argent, ne pense qu’a ça ! Bon, c’est pas un super motif mais ça motive quand même ! Demain j’apporte mon walkman pour avoir un contact avec le monde réel car, de ce grenier, je ne vois rien du dehors. Juste un grand marronnier et c’est en fin de compte lui qui me bloque le paysage.

L’ambiance est un peu fantastique : avec toute cette poussière l’air de la pièce est flou et l’odeur est assez indescriptible, un mélange de cannelle, de vieux papier et d’encre passée. Une odeur de cannelle ! Qui met de la cannelle dans ses bouquins ? Un parfum d’ambiance, certainement, mais dans un grenier c’est de l’argent jeté par les fenêtres ! Je m’en fous, c’est pas le mien ! (Que je suis égoïste !). Dickens : D aussi. Déjà deux livres de classés ! Mon dieu, que je suis rapide ! Si ça continu comme ça, dans cent ans on retrouvera un tas de poussière ! Quoique, au milieu de la poussière des livres ce sera pareil.

Quelle heure est-il ? Mince, ma montre ! Me voila pour de bon coupée du monde. Avec pour tous compagnons… des livres défraîchis. Si ils l’étaient moins, je pourrais au moins en lire des passages, mais là, ni pensons même pas. Demain j’amènerais un sac avec tout ça. Et oui ! Elle a réussit à m’embaucher le soir après l’école pendant une heure. C’est pas si mal : j’aurais une excuse pour ne pas bosser. Restons concentrée. A. Christie : C. Trois livres j’en ai déjà marre. J’arrête pas de me plaindre ! J’en ai marre de moi et de tout le monde.

Je sais pas depuis combien de temps je classe tout ces bouquins, mais la partie nord est quasiment terminée. J’ai compté environ deux cent livres : j’imagine le reste ! Bon je crois que je vais m’arrêter : là, derrière le marronnier, je vois la lune brillante et en croissant c’est très beau. Je crois que je suis tellement fatiguée que je vais m’endormir sur place. Je dois ressembler à un épouvantail, (comme d’habitude !) mais pleine de poussière. Je dois être terrifiante. En effet, si mon visage est aussi crasseux que mes mains, ce doit être d’une lugubre beauté. Un comble pour qui s’appelle de la Tombe.

Il reste encore un carton ? Dire que je me faisais une joie d’avoir fini. Je le ferrais demain. NON ! Maintenant ! Comme ça j’aurais vraiment fini. Je ne savais pas que dans ma tête j’avais la voix de la raison. ALLELUIA ! Mamie va être ravie. Bon qu’y a-t-il là dedans ? UN livre, un vrai, seul, même pas abîmé. Il doit être neuf. Je ne pensais pas que ça existait dans ce grenier. Comme quoi…

« Les Aventures de… » Le titre est assez étrange : on dirait qu’il n’est pas fini. Il n’y a pas l’habituel résumé à la fin. Je voudrais bien connaître l’histoire… Bon, je l’ouvre. Pourquoi je me sens si coupable, j’ai quand même le droit de…

Eh ! Mais qu’est ce qui se passe : j’ai envie de vomir, la tête qui tourne… Oh non ! J’ai attrapé la grippe…

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